Love

Affiche du film Love

Affiche de Love

Qu’on se le dise, Love n’est pas complètement le film auquel on s’attend, mais une chose reste sûre : c’est un beau film. Evacuons par-là les questions concernant la sulfureuse campagne de communication ayant précédé sa  projection au 68e Festival de Cannes en avant-première mondiale,  à la séance de minuit devant un public surexcité parmi les rangs duquel on ne comptait pas que des majeurs, d’ailleurs, malgré le sceau de l’interdiction dont sera frappé le film à sa sortie en salles, comme le rappelait Thierry Frémaux sur scène avant d’appeler dans le grand théâtre Lumière du Palais des festivals toute l’équipe. Donc non, le film ne se résume pas à une vidéo porno de plus de deux heures comme on peut en glaner à foison sur la Toile. Pas de kamasoutra, pas de performances acrobatiques et improbables, pas de plombier venu réparer une fuite chez une naïade court vêtue. Mais bel et bien du cul à volonté, comme l’annonce d’emblée la scène d’ouverture. Du vrai, du faux, mais du beau. Dans Love,  le sexe se trouve sublimé par les corps parfaits et la lumière élégante. Il n’y a alors que les plus pudibonds des spectateurs pour s’en offusquer, à une époque où le nu s’affiche partout et s’en trouve banalisé. Ici, on se caresse, on se lèche, on se pénètre. On se chevauche, on s’étreint, on se pousse à l’orgasme. Mais toujours avec une volonté d’élever la représentation du sexe  à l’écran au même rang que celui des sentiments. Car Love se veut avant tout un film  sentimental.

L’histoire reste somme toute des plus banales. Un jeune homme se réveille au lendemain d’une cuite de nouvel an dans son appartement, entre enfant en bas âge et épouse qu’il n’a peut-être jamais aimée : un carcan familial qui renvoie ses souvenirs vers son amour perdu pour une autre, un amour que raconte le film, en une série de va-et-vient dans le récit, entre rencontre dans une soirée, première baise, défonce, vie nocturne dans les clubs ou dans des galeries d’art. Ce que raconte le film, c’est l’histoire d’un couple qui ne sait pas s’aimer, qui se perd par manque de recul, de discernement, de maturité. On pourra de fait reprocher au film la pauvreté de ses dialogues, le manque de charisme de ses personnages, mais ce serait oublier que le cinéma comme la vie ne peut se peupler uniquement de héros et de figures mythiques. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas ce que recherche Gaspar Noé. Le réalisateur cherche davantage à expérimenter de nouvelles formes de mise en scène ou pousser un peu plus loin les pistes que ses précédents films ont déjà explorées. Ici, ce n’est pas par le verbe que son œuvre s’exprime, il a déjà fouillé ce mode d’expression avec la logorrhée de l’anti-héros de Seul contre tous. Noé n’a jamais été un grand théoricien, mais plutôt un savant fou, décomplexé, et somme toute plutôt punk. Son film s’intéresse ici avant tout aux corps. A la forme davantage qu’au fond.

Facétie, caprice d’enfant gâté, l’utilisation de la 3D constitue l’une des pistes exploitées pour magnifier le corps et l’espace dans lequel ils s’inscrivent. Si cette technologie n’apporte rien à la mise en scène, contrairement à sa pertinente utilisation dans Gravity d’Alfonso Cuaron ou Pina de Wim Wenders, deux films sur l’espace, elle offre néanmoins quelques truculents plans faciles mais récréatifs comme cette éjaculation en vue aérienne ou ce gland besognant un vagin vu de l’intérieur, plan déjà présent dans Enter the void. Mais Noé n’a en réalité pas besoin de l’artifice de la 3D pour gérer l’espace. Durant plus de deux heures, Love s’échine à chercher comment inscrire les corps dans le cadre,  celui de l’écran, celui des rues filant sous le métro aérien parisien, celui du point G. C’est là que le film livre ses trésors. Tourné principalement dans des espaces confinés, des huis-clos où les personnages sont filmés à hauteur de buste, souvent de dos, le film invite à partager son intimité et déroule une partition léchée en magnifiant les corps, les étreintes, les jouissances. Le tout sur fond de playlist idéale pour s’accoupler, entre Led Zep et Death in Vegas. En clair, Love est un trip rock’n’roll assumant une certaine liberté et une légèreté assumée, rappelée par les petites touches d’humour qui viennent agrémenter le récit, comme ces incursions du réalisateur lui-même, coiffé d’une moumoute, dans le rôle d’un galeriste queutard, ou l’emploi de son prénom pour le personnage du gosse. Une chose reste certaine : le film évite l’écueil de la vulgarité et réussit à décomplexer le spectateur tout en lui communiquant le plaisir de la chair. Bandant.

Réalisateur: Gaspar Noé – Acteurs: Karl Glusman, Aomi Muyock, Klara Kristin – Durée: 2:15 – Année: 2015 – Pays: France
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Moland Fengkov

Moland Fengkov

Moland est le représentant officiel de Plume Noire au festival de Cannes. Outre sa passion du cinéma, il est photographe professionel et journaliste freelance.
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